samedi, juillet 08, 2006

Tribune publiée au Figaro le 8 Juillet


Le projet de loi sur l'immigration de Nicolas Sarkozy atteste la détermination de son auteur. Cependant, posée comme un choix entre immigration « subie » et immigration « choisie », cette fermeté est rhétorique - qui pourrait raisonnablement préférer la première à la seconde ? - alors que sur le terrain, les conflits se multiplient. Les embrasements sporadiques de Montfermeil, au printemps, montrent que les braises de décembre 2005 ne se sont pas éteintes dans nos banlieues. Bien au contraire !Alors, ne se trompe-t-on pas de débat en se focalisant sur l'immigration plutôt que sur l'intégration ? Aujourd'hui, le véritable problème concerne moins le sort des immigrés à venir que celui réservé aux immigrés qui se trouvent déjà ici, souvent depuis très longtemps.
L'immigration pose non seulement la question du rapport à l'Autre, à l'étranger, mais celle du rapport à nous-mêmes. Car il n'est pas besoin d'être poète pour se rendre compte que « je est un autre » : l'Autre est en nous, nous sommes autres, la France est multicolore et diverse, c'est là une richesse commune qu'il faut découvrir et une chance à saisir. La question fondamentale pour nous, est celle du « vivre-ensemble ». Ce qui nous choque, c'est l'injustice faite à une partie importante de nos concitoyens, dévalorisés et déconsidérés de façon indigne. Comment les Français, tous les Français, quelles que soient leurs origines et leurs couleurs de peau, peuvent-ils vivre ensemble en partageant des valeurs communes, en contribuant à la prospérité de leur pays, en bâtissant l'avenir de leurs enfants ? Voilà le défi à relever.
Et bien, en dépit de la morosité ambiante, il nous faut croire à une France conquérante, une France qui gagne grâce à l'effort de tous les Français. Il existe de bonnes raisons d'espérer, et j'en vois, pour ma part, au moins trois.
La première est d'ordre structurel : nous vivons la fin d'un cycle.
L'ordre dominant s'essouffle après avoir épuisé ses forces vives. Un tel écart s'est creusé entre la société et ses élites que le changement devient un impératif catégorique. Il y a une aspiration générale à la rupture, aux mutations, une sensibilité nouvelle à la diversité. La classe politique n'échappe pas à cette mue nécessaire : son renouvellement est la condition sine qua non pour retrouver une vraie crédibilité. En ce sens, on peut considérer que le nouveau mode de désignation des candidats de l'UMP aux prochaines élections représente une ouverture pleine de promesses.
La seconde raison est d'ordre conjoncturel : il s'agit de l'arrivée à maturité d'une génération de jeunes issus de l'immigration et des meilleures écoles de la République, prêts à prendre la relève. Autour de moi, je vois des entrepreneurs, des fonctionnaires, des avocats, des financiers, des artisans qui ont tous envie d'un avenir meilleur et sont prêts à consacrer leur énergie pour le bâtir. Les cerveaux et la main d'œuvre qui construiront la France de demain se trouvent ici même. Nul besoin de les importer ! La communauté d'origine asiatique, celle que je connais le mieux puisque j'en suis originaire, ne cesse de donner des exemples de cette recherche d'excellence. Nous sommes donc un certain nombre à envisager 2007 avec espoir et détermination.
La troisième raison, à la fois structurelle et conjoncturelle, est évidente, c'est la mondialisation. En 2005, la France a dit non à l'Europe. En 2007, elle doit dire oui au monde ! Regardons la société cosmopolite qui existe chez nous, valorisons ses meilleurs éléments, tirons parti des expériences les plus dynamiques qui se multiplient dans le pays. Chérissons la substance de notre identité plurielle, notre culture de la diversité, et regardons l'avenir sans crainte. Il faut apprendre à lever les yeux et voir plus loin que la ligne bleue des Vosges, voir ce monde qui s'ouvre à nous.
Le vieux sage chinois Laozi disait : « Mieux vaut allumer une bougie que maudire les ténèbres ». Nous avons devant nous une zone de turbulences et d'obscurité : dans le tunnel dont on ne semble pas voir le bout, allumons la lumière du cœur, laissons la générosité parler et l'ouverture occuper les esprits. Agissons afin que la prochaine Assemblée nationale soit véritablement aux couleurs de la France, avec des représentants jeunes et issus de la diversité, c'est l'effort à faire pour redevenir réellement républicains !