lundi, novembre 14, 2005

On ne peut pas faire table rase de son passé..

Depuis plusieurs jours, mes amis résidant hors de France m’appellent, affolés, pour demander de mes nouvelles : ma voiture a-t-elle été épargnée par les émeutiers ? Ai-je pu sortir de chez moi et aller au bureau ? Le ravitaillement est-il assuré dans le quartier ? Rien d’étonnant à cela, tant les médias étrangers ont donné des événements des dernières semaines une image excessivement dramatique !
La situation est grave, certes, mais il faut raison garder : l’embrasement des banlieues manifeste l'échec des politiques de la ville et de l’immigration menées depuis vingt ans par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche. Mais s’agit-il pour autant, comme le claironnent complaisamment certains démagogues, de la mort annoncée du modèle d’intégration à la française ? Je ne le crois pas, bien au contraire !
En tant que pur produit de l’école de la République, je peux témoigner que ce modèle demeure toujours valable et plus nécessaire que jamais. Bien sûr, si le modèle est bon dans son principe (refus du communautarisme), il faut lui donner les moyens de fonctionner, de s’adapter aux changements du monde d’aujourd’hui. Ce qui n’a pas toujours été fait…
Voilà ma conviction : c’est en m’appuyant, en même temps, sur ma culture d’origine et sur les principes de la République que je peux construire un avenir citoyen. Originaire de la communauté chinoise du Cambodge, j’ai grandi dans un environnement nourri par une double culture : la chinoise transmise par mes parents et la française enseignée par l’école laïque. Je suis fier de l’héritage de mes parents, constitué par la langue, l’histoire, les valeurs, les figures morales de cette grande civilisation qu’est la Chine. Je suis reconnaissant à la France de nous avoir accueillis, en nous donnant la possibilité, sur la base de l’égalité et de la liberté, d’entreprendre et de nous épanouir. Nous sommes tous différents mais cette diversité que nous apportons au banquet républicain permet justement la richesse du festin.
L’intégration de la communauté d’origine asiatique peut nous servir d’inspiration pour comprendre le désarroi des autres communautés face à ce qu’elles considèrent comme l’indifférence ou le mépris de la République. On ne peut pas faire table rase de son passé, or la France, peut-être parce qu’elle n’a pas fini de digérer sa décolonisation, a souvent négligé de donner à la culture d’origine des populations immigrées la juste place qui lui revient. Il faut donc faire en sorte que chacun soit fier de son passé, de la culture de ses parents, afin de pouvoir apprécier vraiment ce que nous apporte la République.

La France est une terre fertile, à nous de la cultiver !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je suis français d'origine cambodgienne.

En 1975 pour échapper au génocide des Khmers Rouges, ma famille fuit le Cambodge pour se rendre en Thailande. Je me souviens de notre vie dans ce camp thailandais ...

C'est en 1976, grâce aux Organisations Humanitaires Internationales, que ma famille a pu trouver un pays d'asile et arriver en France. Comme tant d'autres familles khmères, elle fut installée dans l'Est de la France, à Toul (54).

C'est dans ces quartiers populaires où vivent des familles de diverses origines, des familles immigrées, des familles exilées, des familles clandestines, que nous avons grandi, mes frères, mes soeurs et moi.

Ces quartiers où s'affrontent des cultures différentes aussi riches, aussi pauvres l'une que l'autre.

Où les gens tentent de communiquer, de se comprendre, bien que personne ne parle ni ne comprenne le français... Des "bonjour", "bonsoir", "au revoir" aux sourires de politesse.

Où l'apprentissage de la vie se fait dans le respect mutuel des traditions, dans l'indifférence, dans le silence.

Je ne me suis jamais interrogé sur la diversité culturelle, ni me suis posé des questions existentielles sur la bonne ou la mauvaise intégration.
Car cela me paraissait tellement évident que :
- pour s'intégrer, il faut respecter les règles de bonne conduite et de savoir-vivre,
- pour être respecté, il faut d'abord respecter l'autre.

Aujourd'hui, je connais des haut et des bas, je traverse quelques fois des phases très difficiles au point où je ne sais plus où aller. Et face à cette situation, je n'oublie jamais de me retourner en arrière. Ainsi, puisque je ne sais pas où je vais, je sais au moins d'où je viens.

Je regarde en arrière et je vois ... mes parents et tous les autres parents, asiatiques, turcs, marocains, portugais, etc. qui, ne parlant pas français, n'ayant aucun diplôme, exerçant des métiers de base, ne gagnant que quelques centaines de francs, ont su offrir un toit à leurs enfants, ont su habiller avec propreté et avec dignité leurs enfants avec des habits offerts par les Associations, ont su nourri leurs enfants !

Alors aujourd'hui, j'ai le droit de mettre ces personnes, jeunes ou plus âgées, qui se déclarent incompris et rejetés, devant leurs responsabilités :
- Avez-vous respecté les repères familiaux que vos parents vous avaient traçé pour oser accuser aujourd'hui un tel de ne pas vous avoir donné de repères ?
- Que voyez-vous quand vous vous retournez, pour vous plaindre à la moindre difficulté ?
- Pour quelles raisons avez-vous oublié ou refusé d'écouter les enseignements de vos parents ou des écoles pour réclamer aujourd'hui d'être entendus ?
- Avant d'accuser telle ou telle personne, tel ou tel modèle, pourquoi ne faîtes-vous pas les choses simplement avec honneur et dignité ?

La diversité est la rencontre fabuleuse de personnes pures. Cette pureté réside en chacun d'entre nous.
C'est notre pureté dans le respect de nos origines et de nos nationalités, dans le respect de soi et d'autrui, dans le respect de notre passé. En nous comportant ainsi, nous pouvons balayer sans aucune violence tous ces imbéciles tenant des propos de "race pure", toutes les discriminations, pour laisser à nos enfants un héritage sain...


A travers les temps, nous sommes toujours tous les mêmes... différents. C'est pourquoi nous sommes si riches.

Khakhon, 37 ans, Français et Khmer.